Arts incohérents
Naissance d'un mouvement
Le 1er octobre 1882, Jules Levy (1857-1935) journaliste et éditeur français, organise la première exposition officielle des Arts Incohérents à son domicile, 4 rue Antoine Dubois dans le VIe arrondissement. Elle réunit des œuvres d’écrivains, comédiens, chroniqueurs ou caricaturistes, issus du monde de la presse et du spectacle, mais aussi d’artistes confirmés comme Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901).
Lévy recrute volontairement des artistes vierges de formation artistique, parmi ses amis du cercle littéraire les Hydropathes (1878-1880 ; 1884) et du cabaret artistique et littéraire le Chat noir (1881-1896). Acteurs, musiciens, néophytes en tout genre, expérimentent la joie du plasticien, tandis que les artistes qui rejoignent le groupe désapprennent à dessiner.
Deux mille curieux se pressent pour découvrir les créations des Incohérents qui ont pris le soin de rédiger un catalogue d’exposition présentant les quelques deux cents œuvres exposées. Manet, considéré comme le chef de file des Impressionnistes, Renoir et Pissarro sont parmi les invités qui affluaient à l’exposition des Arts Incohérents de 1882 à Paris. Preuve qu’ils considéraient cette manifestation bien plus comme une avant-garde que comme une simple plaisanterie. Ce contre-Salon s’inscrit dans la lignée des Salons caricaturaux publiés dans la presse illustrée, critiquant sous forme de vignettes parodiques des œuvres exposées au Salon officiel.
L’évènement rencontre un écho retentissant dans la presse, et sera renouvelé jusqu’en 1893 par une série de sept expositions. Si le peintre Jean-Léon Gérôme, membre de la très officielle Académie des Beaux-arts, avoue « en rire médiocrement » et qualifie cette entreprise « d’attentat à l’Art », le critique Félix Fénéon (1861-1944) déclare : « Monsieur Jules Lévy vient de réunir tout ce que les calembours les plus audacieux et les méthodes d’exécution les plus imprévues peuvent faire enfanter d’œuvres follement hybrides à la peinture et à la sculpture ahuries. »