Arts incohérents
Un mouvement d'avant-garde
Sculptures, dessins, peintures, assemblages hétéroclites… les œuvres les plus inattendues foisonnent aux Arts Incohérents. De 159 numéros en 1882 jusqu’à 437 en 1889, on y croise des compositions à base de denrées périssables et comestibles : mie de pain, cadres en croûte, pain d’épice, fromage, purée de pommes de terre, chocolat. Les supports incongrus sont permis, voire encouragés. Ainsi, jouxtant des œuvres plus « classiques », on trouve de véritables animaux vivants comme ce cheval peint aux couleurs de la France évoluant parmi les visiteurs de l’exposition de 1889, toutes sortes d’objets usuels préfigurant les Ready-mades à venir : écumoire, balai, pelle, pioche, cordons de rideaux, pot de chambre, parapluie, sac à café, casserole… Il fut même question en 1882 de réaliser une peinture sur dos d’homme, annonçant certaines performances corporelles à venir. Certains exposants osent tout, préférant remplacer les procédés traditionnels de l’huile ou de la gouache par des aquarelles à la salive ou toiles exécutées à l’huile de foie de morue ou jus de réglisse.
Les Incohérents s’amusent, explorent, critiquent l’ordre établie. Leurs expositions constituent des parodies du très sérieux Salon officiel, dynamitant la hiérarchie des genres et des formes. L’œuvre entière des Arts Incohérents est une satire aigüe de l’Institution. Fascinés par toutes les formes d’art, ils vont produire des centaines d’œuvres aux développements multiples : collages, objets, tableaux-reliefs, photo-montages, maquettes d’architecture, sculpture-assemblages, caricatures mi-dessin et mi-adjonction d’objets du réel, peintures de calembour etc.
Leurs manifestations jouent à la fois le rôle d’une parodie de la politique des Arts et des Arts eux-mêmes, ne cessant d’interroger le rôle de l’artiste et de son libre arbitre face à l’Institution et à ses représentants. Autant d’éléments qui fondent les artistes incohérents comme les précurseurs des grands mouvements d’avant-gardes du XXème siècle.